Le vent se lève sur le village bédouin du film d’Elite Zexer, mais la Tempête de sable aura beau gronder, le village ne tombera pas.
Synopsis : Les festivités battent leur plein dans un petit village bédouin en Israël, à la frontière de la Jordanie : Suliman, déjà marié à Jalila, épouse sa deuxième femme. Alors que Jalila tente de ravaler l’humiliation, elle découvre que leur fille aînée, Layla, a une relation avec un jeune homme de l’université où elle étudie. Un amour interdit qui pourrait jeter l’opprobre sur toute la famille et contre lequel elle va se battre. Mais Layla est prête à bouleverser les traditions ancestrales qui régissent le village, et à mettre à l’épreuve les convictions de chacun.
La domination masculine

C’est un portrait choral au féminin que dresse Zexer. La cinéaste montre habilement les différentes phases de la vie de fille à celle de femme. Tandis que les plus jeunes bénéficient d’une certaine liberté, indifférence habituelle de l’adulte vis à vis de l’enfant, dès que la petite fille devient jeune fille, elle devra se soumettre au pouvoir régalien des hommes. La femme mariée quant à elle fait preuve de résilience et de résignation. La cinéaste filme le travail domestique, la vie astreignante des femmes, condamnées à la maison. Les filles vont à l’école, on le voit, mais au-delà d’un certain âge, cela semble incongru : « Pourquoi elle étudie ? » demande un homme étonné au père de Layla, la fille aînée de la famille. Les femmes mariées ne travaillent pas, pourquoi donc faire des études puisque c’est leur mari qui les entretiendra ? Assignées par leur naissance à une caste subalterne, les femmes évoluent sans cesse sous le joug masculin, qu’il soit paternel ou marital. Elles ne sont pas maîtresses de leur propre existence et s’assimilent à une forme de sous-humanité qu’elles participent à reproduire. La réaction de Jalila, la mère est à ce sens symptomatique : elle agit de manière coercitive à l’encontre de sa fille afin de maintenir un ordre social qui n’est en aucun cas profitable aux femmes. La puissance du corps social broie toute velléité individuelle. Dans ce tableau désespérant, y-a-t-il la possibilité d’une résistance ?

Si Tempête de sable est incontestablement une critique virulente d’une société gangrenée par des siècles de patriarcat, modèle de société dominant partout dans le monde, la cinéaste propose une vision très noire de la condition féminine. Sans tomber dans l’angélisme et le happy end consensuel, présenter des personnages féminins forts, dont la préoccupation principale ne serait pas l’hyménée est un acte tout autant essentiel que la condamnation corrosive opérée par Elite Zexer. C’est la plus grande faiblesse de Layla qui, en tant que jeune femme éduquée, aurait pu présenter des motivations autrement plus complexes et radicales que se limiter à cette opposition amoureuse rancie ; la liberté pour elle-même plutôt que le passage d’une tutelle masculine à une autre. C’est un geste crucial pour le cinéma de créer des personnages de femmes libres parce que c’est encore trop souvent une initiative subversive.