Après la folie Ma Loute, Bruno Dumont va encore plus loin dans sa démarche de déconstruction des codes cinématographiques puisque son Jeannette est une relecture musicale des textes de Charles Peguy. Pas sûr que les français voient d’un très bon œil cette version décalée du mythe de la Pucelle d’Orléans…
Synopsis : Domrémy, 1425. Jeannette n’est pas encore Jeanne d’Arc, mais à 8 ans elle veut déjà bouter les anglais hors du royaume de France.

Dans Ma Loute, il donnait à des cadors du métier (Juliette Binoche ou Fabrice Lucchini) la chance de se confronter à des jeunes premiers, des vraies gueules du Nord (comme on les appelle) qu’ils soient amis, badauds ou cousins. Dans Jeannette, l’enfance de Jeanne d’Arc même rengaine, sauf qu’il n’est pas question ici de souligner la bizarrerie propre à la Cote d’Opale, mais de trouver des jeunes talents, capable de chanter des textes vieux comme Mathusalem. Et parmi ces jeunes virtuoses, on retrouve Aline Charles. Une petite frimousse brune, un air conquérant (normal quand on s’appelle Jeanne d’Arc) et surtout une voix. Aiguë. On osera même dire assassine pour nos tympans tellement elle pourrait casser des verres. Mais au fond, cela s’inscrit sans doute dans une logique interne au film (quoique on se demande encore laquelle) puisque la petite Aline pousse parfois tellement sur les cordes vocales que son flot de parole flirte beaucoup avec l’incompréhension. Est-ce là un subtil rappel aux voix qui ont influencé la vraie Jeanne d’Arc ? Ou la manière qu’a Dumont d’entériner définitivement son mépris envers ses fans ? Bien aisé sera celui capable d’y répondre puisque au détour de cet assassinat de tympan généralisé, on ne retiendra guère que des démonstrations de vocalises et chorégraphies assez douteuses. A tel point qu’on se demande bien à qui pourra plaire le film. Car, pour qui n’aime pas les comédies musicales minimalistes, Jeannette a toutes les chances d’être perçu comme deux heures redoutablement éprouvantes. Même chose pour les personnes réfractaires aux grandes réflexions théologiques, tant le film semble n’être qu’une accumulation assez hasardeuse des thèmes liés à cette conquérante rentrée dans l’Histoire. Tout ceci étant additionné, on a affaire à un film (certains oseront le qualificatif de proposition de cinéma) déroutant, totalement fou et iconoclaste qui renverrait presque à se demander si lâcher un pet sur une toile cirée aurait le même effet sur Thierry Frémaux et son Palais des Festival surchauffé par l’ego des journalistes et la chaleur de la Cote d’Azur… Toujours est-il que l’on peut s’accorder sur un point : celui de savoir que le film va sombrer au box-office encore plus vite que le Titanic dans l’Atlantique. Et ce ne sont pas des voix qui nous l’ont dit…
[Quinzaine des réalisateurs] Jeannette, l’enfance de Jeanne d’Arc
Un film de Bruno Dumont
Avec Aline Charles, Élise Charles, Jeanne Voisin, Lise Leplat Prudhomme
Distributeur : Memento Films
Durée : 120 minutes
Genre : Musical
Date de sortie : prochainement
France - 2017