Annarita Zambrano évoque la génération italienne post-activisme d’extrême gauche des années 80 et les conséquences actuelles dans Après la Guerre, un premier film poignant.
Synopsis : La Ciotat, un été. Antoine a accepté de suivre un atelier d’écriture où quelques jeunes en insertion doivent écrire un roman noir avec l’aide d’Olivia, une romancière reconnue. Le travail d’écriture va faire resurgir le passé ouvrier de la ville, son chantier naval fermé depuis 25 ans, toute une nostalgie qui n’intéresse pas Antoine. Davantage connecté à l’anxiété du monde actuel, le jeune homme va s’opposer rapidement au groupe et à Olivia que la violence d’Antoine va alarmer autant que séduire.
Fort de son expérience dans le court métrage (une dizaine dont Ophelia, sélectionné en 2013 dans la Compétition Court Métrage à Cannes) et lauréate 2015 de la Fondation GAN qui soutient les projets de jeunes réalisateurs, Annarita Zambrano est assurément l’une des révélations de la sélection Un Certain Regard avec Après la Guerre, son premier long métrage. Après la Guerre traite des conséquences d’un ancien activiste italien du milieu des années 80 qui doit faire face à son passé, le jour où un meurtre politique en Italie fait resurgir les vieux démons d’une famille brisée par le meurtre d’un juge. Entre l’Italie et la France, Annarita Zambrano explore l’histoire de son pays à travers les nouvelles générations, victime collatérale d’une guerre qui ne lui appartenait pas et qui a dû payer pour les fautes des autres. Car derrière la bêtise de ces actions vaines et cruelles se cachent trente ans de souffrances, de familles brisées et d’absence de réponses. Plus encore, ce bouleversement affecte même les carrières de ces personnes qui traînent ce passé comme un boulet dont on ne peut s’en défaire sans avoir à faire des sacrifices. C’est ce que vit le personnage de l’ex-activiste et désormais intellectuel Marco (puissant Giuseppe Battiston, aux allures d’Orson Welles) prêt à tout abandonner derrière lui pour conserver sa liberté, quitte à sacrifier sans remords le parcours que s’était tracé sa fille. C’est dans ce conflit entre un père et son enfant que se dresse in fine le reflet d’une société italienne tiraillée par l’amertume des nouvelles générations face à leur histoire. Dans sa fuite, Marco cherche tout de même une rédemption dans ses actions, en acceptant une interview avec un journal national. Une manière de revendiquer sa position politique et son absence de regrets, comme s’il se savait condamné. Sans doute parce qu’au fond de lui, il l’est déjà.
Annarita Zambrano offre un traitement délicat de ce brûlot politique qui continue de déchaîner en Italie au même titre qu’elle saisit avec finesse la confrontation des générations qui paient chacun à leur manière le prix des erreurs passés. A l’image, la cinéaste italienne qui atteste de son manque de connaissance en technique cinématographique profite de sa collaboration avec le directeur de la photographie Laurent Brunet (Irréprochable, Séraphine) pour oser le format Scope qui semble enfermer les personnages. Tout est resserré et les ouvertures se font rares, ce qui participe au climat fiévreux qui accentue les tensions aussi bien en Italie qu’en France. A cela s’ajoute la musique de Grégoire Hetflex d’une beauté sidérante qui participe sans lourdeur à la réussite de ce drame poignant. Tout semble ainsi maîtrisé avec le recul et la justesse nécessaire - quoiqu’un peu classique - mais c’était sans compter le dénouement simpliste qui empêche le film de s’imposer comme le favori au Prix Un Certain Regard 2017. Qu’à cela ne tienne, Après La Guerre s’impose comme un bouleversant drame politique et familial, traité avec l’intelligence, la finesse et la maîtrise d’une cinéaste qui pourrait en revanche bien séduire le jury de la Caméra d’Or.
[UN CERTAIN REGARD] Après La Guerre
Un film de Annarita Zambrano
Avec Charlotte Cétaire, Giuseppe Battiston, Barbora Bobulova
Distributeur : Pyramide Distribution
Durée : 1h32
Genre : Drame
Date de sortie : Prochainement
France – 2017